Alain Larose [Népenthès N°3 / Décembre 2011]
Alain Larose vit à Chicoutimi. Son parcours est ponctué de collaborations diverses, notamment avec le collectif Regart (Lévis) et avec l’événement Réparation de poésie (Québec). La Revue des Forges a fait paraître en 1991 une suite de textes intitulée Lettre de ruptures qui fait l’objet d’une mention pour le Prix Alphonse-Piché du Festival de Poésie de Trois-Rivières. L’année 1999 marque le début de sa participation aux Vendredis du Tremplin d’actualisation de poésie (TPA) à Québec. Le TAP fait paraître en 2001 une collection de textes intitulée Objets perdus. Il apparaît également sur les collectifs sur disque compact : Mots arrachés du corps (2004), Des monstres dans la gorge (2005), Urbine n°0 (2006). Il est également l’un des trois membres fondateurs du blogue de création poétique CLS (http://poesiecls.blogspot.com), a publié à l’automne 2009 un premier recueil, Harikots chez Moult Éditions (Montréal), et continue de remuer la cuillère dans la marmite…
(Alain Larose est au sommaire de Népenthès N°1 et N°2)
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PAS D’ÉCOLE
J‘ai peut-être neuf ans
ma mère est au téléphone
et pleure derrière la porte
mon oncle Roland
est mort saoul
en s’endormant sur ses frites
en essayant d’éteindre
pour moi
mon oncle Roland
c’est le bon gars qui m’a montré
en riant
un petit moine en plastique
qui pisse l’eau
quand on lève sa robe
à chaque fois
que je ne vois pas
un petit moine
en plastique
qui pisse
je pense à mon oncle Roland
ça veut dire
souvent
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LE PLUS LONG JOUR LE PLUS LONG
Tu es sortie de moi
et j’ai longtemps
gardé ta forme
bleu de travail
pétrifié
dans un coin de la chambre
j’ai attendu
un matin
j’ai attendu
longtemps
que tu n’aies
plus rien
de propre
à te mettre
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UNE CARTE POSTALE D’IONA
En nettoyant
le vieux moulin à café
(pas servi depuis longtemps)
un grain est tombé
je me suis demandé
pour qui était ce café
et qui j’étais alors
en contemplant le grain
au fond de l’évier
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HARIKOT APRÈS-SINISTRE
Tu te lèves nue
comme l’odeur de la pluie
sur les cendres froides
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FAITS DIVERS
Le pompier est mort
d’une pneumonie
sur le rebord du puits
tout au fond
elle
restait muette
étreignant
sa douleur
comme une poupée de marbre
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MONSIEUR HERZIG
Quand j’avais dix ans
il y avait un pâtissier
chez qui ma mère m’envoyait
chercher ses commandes
les jours de fête
il était Suisse
à ce qu’on disait
et ne prenait un verre
que les samedis et dimanches
en cachette de sa femme
il achetait une bouteille
au bar d’à côté
et l’y ramenait de sa pâtisserie
une fois vide
ni vu ni connu
je me suis
souvent demandé
combien de vides entraient
dans sa recette secrète
comme maintenant
alors que tu regardes
mes mains
comme des ballons crevés
et que je dois
faire un gâteau
de tout ça
{Tous textes : © Alain Larose}
Il y a du Brautigan chez cet homme. Et pas seulement le chapeau !
Dernière publication sur Maudits : Jean-Pierre Duprey (1930~1959)